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Agriculture

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19 avril 2024

Marie-Christine Gaudreau - mcgaudreau@medialo.ca

Les producteurs agricoles lanaudois lancent un cri du cœur

Manifestation

Manifestation UPA

©Photo Marie-Christine Gaudreau

Les producteurs ont entre autres fait valoir la hausse de coûts de production, la hausse des taux d'intérêt et les importantes pertes dues aux changements climatiques qui les affligent.

Pas moins de 200 tracteurs et 300 personnes ont pris d’assaut les rues de L’Assomption le 19 avril. À bord de leurs imposants véhicules, ces producteurs agricoles de tous horizons en avaient gros sur le cœur. À l’unisson, ils ont clamé l’urgence d’agir, afin que ces hommes et ces femmes qui travaillent sans relâche pour nourrir les Québécois soient reconnus et soutenus. En partance de la Ferme Francel, le convoi s’est arrêté au bureau de comté du premier ministre François Legault, avant de poursuivre sa route jusqu’au bureau régional du MAPAQ.

Entre les coûts de production qui ne cessent de grimper, les taux d’intérêt qui pèsent sur l’endettement, les changements climatiques qui affligent le rendement des entreprises, les lourdeurs administratives et les aides financières insuffisantes pour la relève; les agriculteurs peinent à garder la tête hors de l’eau, ont-ils voulu faire entendre au gouvernement. 

« On est inquiets à savoir qui va cultiver nos terres dans 10 ans, dans 20 ans, dans 50 ans, a confié à l’Hebdo Rive Nord, le président de l’Union des producteurs agricoles (UPA) de Lanaudière, Marcel Papin. C’est surtout pour la relève [nos revendications]… les investissements sont beaucoup trop grands. »

À quoi bon assurer la relève en agriculture si la vocation ne permet même plus de mettre du pain sur sa propre table ? questionne-t-on à la Fédération de l’UPA de Lanaudière. En effet, les producteurs seraient de plus en plus nombreux à devoir occuper un deuxième emploi pour subvenir aux besoins de leur famille; une perspective d'avenir peu reluisante, fait-on remarquer. « Pour survivre, il faut faire des contrats de neige », confirme Mme Masse, une femme d’agriculteur venue supporter les manifestants. Sa famille est propriétaire de la Ferme JFM Masse sur le rang Point-du-Jour Sud, à L’Assomption, depuis quatre générations. Son mari, son fils et son petit-fils prennent d’ailleurs place dans l’un des tracteurs qui forment le convoi.

Pour cette famille de producteurs maraîchers elle-même affectée par la hausse des coûts de production, les normes écologiques imposées et les pertes à encaisser en raison des caprices de Dame nature, il allait de soi qu'elle sortirait dans la rue.

Manifestation UPA

©Photo Marie-Christine Gaudreau

Quelque 200 tracteurs ont défilé dans les rues de L’Assomption pour manifester leur mécontentement.

Plus d’investissements réclamés

« On demande une part un peu plus importante du budget, poursuit Marcel Papin.  On a seulement 1%. Tous les pays du monde subventionnent leur agriculture. Nous, on a très peu; autant du provincial que du fédéral. »

Pour l’agriculteur d’expérience, il est sans équivoque que les producteurs dont le mandat est de nourrir 8 millions de personnes, trois fois par jour, méritent mieux que les miettes qu’on leur propose.

« On commence dans le champ là et le coût des semences est très dispendieux. Et ce n’est pas parti pour diminuer quand on voit le prix du pétrole. Ç’a une incidence sur tout le reste. Alors, on continue à s’endetter pour garder la tête hors de l’eau. L’an passé, l’année n’a pas été bonne à cause de la température et nos assurances n’ont pas couvert la vraie valeur. Là, il faut recommencer ce printemps, mais on n’a pas fini de payer nos dettes de l’année passée », souligne-t-il pour exprimer le non-sens de la situation qui prévaut actuellement dans le milieu agricole.

Revenu décent  

« Tout ce qu’on demande c’est de pouvoir vivre décemment [de l’agriculture]. C’est un besoin primaire de nourrir le monde, ce serait le fun qu’on puisse en vivre », de renchérir Pier-Luc Hervieux, vice-président de la Fédération de la relève agricole du Québec. C’est avec une grande désolation que celui-ci constate que les jeunes agriculteurs étouffent de plus en plus sous la pression.

« On ressent beaucoup de pression de la part de notre communauté, de nos jeunes, comme quoi ça ne fonctionne plus », rapporte-t-il. Pour remédier à cet enjeu majeur qui compromet la survie du garde-manger des Québécois, M. Hervieux presse le gouvernement à revoir les programmes d’aide disponibles afin que ceux-ci répondent à la réalité actuelle des producteurs. Les programmes destinés à la relève agricole, par exemple, n’ont pas été revus depuis plus de 10 ans.

Manifestation UPA

©Photo Marie-Christine Gaudreau

Simon Duval aimerait que ses enfants puissent un jour reprendre la ferme familiale. Pour l’heure, le contexte est bien défavorable à cette possibilité.

Contrat social écorché

« Les montants [qu’on offre aujourd’hui] sont les mêmes qu’en 2013. Assurément, avec l’inflation et tout ce qu’on a vécu, l’argent ne vaut plus la même chose », remarque Simon Duval, propriétaire de la ferme apicole Délices du Coteau à Mascouche et président du comité des fermes de proximité de Lanaudière.

Producteur de miel depuis 4 ans seulement, M. Duval a expérimenté les déboires du démarrage d’une entreprise agricole. Si rien n’est fait, estime-t-il, il sera de plus en plus difficile d’intéresser la relève à l’agriculture. « J’ai de jeunes enfants et j’aimerais qu’ils prennent l’entreprise plus tard, mais l’espèce de contrat social avec l’agriculture est comme disparue. On doit le repenser et le reconstruire, car on aura toujours besoin de ce monde-là trois fois par jour. » Entre autres, le soutien au démarrage inadéquat, de même que les programmes de sécurité de revenu et d’assurance récolte mal adaptés aux changements climatiques nuisent selon lui à l’avenir de la profession.

Un nouveau programme pour aider les agriculteurs à composer avec la hausse des taux d’intérêt est également réclamé par l’UPA. « Avec la hausse du taux d’endettement des fermes au Québec, ça prend quelque chose », de constater Pier-Luc Hervieux.

Des demandes entendues

Si François Legault brillait par son absence au bureau de comté, à la grande déception du président de l’UPA de Lanaudière, les députées lanaudoises Pascale Déry et Lucie Lecours ont quant à elles tenu à s’adresser à la foule lors du rassemblement devant le bureau du MAPAQ.  

« Je vous comprends. Je comprends cette colère; je comprends cette mobilisation. On la comprend au gouvernement et on va continuer de vous accompagner. Il y a un fonds d’urgence qui a été mis sur pied et il y a encore des sommes qui sont disponibles pour les agriculteurs qui ont de la difficulté actuellement », a déclaré la députée de Repentigny, Pascale Déry.

« Les allégements réglementaires administratifs, donc la paperasse, je sais que c’est une chose qui va vous aider énormément, si on peut alléger, et on est au travail. On est en action là-dessus. M. Legault, ç’a été un des premiers constats qu’il a faits. Si on peut au moins travailler rapidement là-dessus, ça va vous aider; la révision des programmes également. Mais, sachez qu’on est tout à fait conscients des enjeux que vous avez et on va continuer à travailler avec vous », a assuré la députée de Les Plaines, Lucie Lecours, avec la promesse de rapporter le message des manifestants au ministre de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation, André Lamontagne.

©Photo Marie-Christine Gaudreau

Le président de l'UPA Lanaudière, Marcel Papin, a remis un cadeau symbolique à l'attention du premier ministre.

©Photo Marie-Christine Gaudreau

Les nombreux tracteurs affichaient des slogans percutants.

©Photo Marie-Christine Gaudreau

Le convoi a défilé devant les bureaux de François Legault durant de très longues minutes.

©Photo Marie-Christine Gaudreau

Les normes inégales entre les productions québécoises et les importations ont notamment été dénoncées.

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