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Retour29 janvier 2025
Marie-Christine Gaudreau - mcgaudreau@medialo.ca
Quand l’ivresse coupe les ailes
Témoignage

©Photo Adobe Stock
Même si elle a renoncé à l’alcool il y a tout près de 29 ans, Suzelle continue de s’impliquer auprès des AA pour donner au suivant, mais surtout parce qu’il s’agit pour elle d’un mode de vie. Entourée de cette grande famille, Suzelle se souvient d’où elle vient, ce qu’elle a parcouru pour devenir qui elle est aujourd’hui et pourquoi elle ne voudrait pour rien au monde revenir en arrière.
« J’ai trop une belle vie aujourd’hui ! Comme moi je la veux. Je ne veux pas tout détruire ça ! », s’exclame-t-elle à l’idée de succomber à la tentation d’un verre. Après une jeune vingtaine difficile, Suzelle raconte s’être sortie une première fois de l’alcoolisme durant 7 ans. Naïvement, elle a cru qu’elle pourrait renouer de manière saine avec l’alcool.
« C’était mon enterrement de vie de jeune fille et je me suis dit que j’allais être sage et que j’allais le faire comme il faut, mais j’ai vite réalisé que dans mon cas à moi, non, ça ne se pouvait pas. Je suis une excessive », admet-elle. La rechute s’est vite dessinée, mais Suzelle s’est ressaisie. Il n’était pas question de se laisser enliser dans les sables mouvants qui l’avaient jadis engloutie.

« Le premier 20 $ que je fais, je le mets dans le bout de mon soulier parce que je vais nourrir mon enfant avec ça demain. Toute la balance je le bois… » - Suzelle, participante AA
Boire sa peine
« J’avais 23 ans et demi, je travaillais dans les bars et chaque soir en me préparant devant le miroir, je me regarde dans les yeux et je me promets que je ne boirai pas », souffle-t-elle en replongeant dans ses vieux souvenirs. Pourtant, l’inévitable se reproduit soir après soir, depuis plus d’un an. Suzelle a déjà un fils à l’époque. Il est âgé de 4 ans. Elle raconte : « Le premier 20 $ que je fais, je le mets dans le bout de mon soulier parce que je vais nourrir mon enfant avec ça demain. Toute la balance je le bois… » Le sentiment de honte qu’elle ressent alors lui remonte à la gorge. Chaque fois, le même manège s’opère. Elle tient le coup jusqu’à 11 h. Elle est fière d’elle; elle ramènera de l’argent à la maison. « À 11 h, il y a quelque chose qui se passe. Je ne suis pas capable de passer au travers et je commence à boire. »
S’ouvrir les yeux
Depuis la perte de sa mère, lorsqu’elle avait 19 ans, force est d’admettre que Suzelle soigne sa douleur à grandes lampées d’alcool. Mais, un beau matin, au lendemain d’une nouvelle soirée trop arrosée, Suzelle se lève et son garçon de 4 ans lui tombe « royalement sur les nerfs ». La violence de cette émotion qui l’assaille la frappe. Ça ne peut plus continuer. Elle se retrousse les manches et demande de l’aide à son père qui fréquente lui-même déjà les AA depuis une dizaine d’années.
Dès lors, elle comprend. Elle n’est pas seule. Son histoire est aussi celle de dizaines d’autres qui peuvent ressentir ce qu’elle a ressenti; à qui elle peut s’ouvrir sans honte, sans peur d’être jugée. D’autres, avec qui elle peut cheminer et trouver une manière plus appropriée de calmer la tempête lorsqu’elle s’agite au profond de son être.
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