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20 mai 2025

Marie-Christine Gaudreau - mcgaudreau@medialo.ca

Soutien à domicile | Mélanie Castonguay lance un cri du cœur

Manifestation

Soutien à domicile

©Photo Médialo - Marie-Christine Gaudreau

Les familles de personnes handicapées revendiquent qu’investir adéquatement dans le soutien à domicile ne coûterait qu’une fraction du prix d’une place en CHSLD.

Maman monoparentale de Léonie, 13 ans, lourdement handicapée, la vie de Mélanie Castonguay est un combat de tous les instants. Depuis la naissance de sa fille, elle se bat avec acharnement pour lui offrir la meilleure qualité de vie possible, malgré les – trop nombreuses – embûches sur sa route. Jamais, au grand jamais, elle ne baisserait les bras, s’est-elle promis. Mais voilà que l’équilibre fragile qu’elle s’efforce de préserver jour après jour est menacé par de nouvelles procédures administratives, qui pourraient s’avérer la goutte de trop.

« J’ai l’impression qu’on essaie de retourner à l’époque de Duplessis où on forçait les parents à placer leur enfant », scande sans détour la Repentignoise Mélanie Castonguay. Pancarte à la main annonçant la mort imminente de l’autonomie faute de changements, la maman à bout de souffle tentait une nouvelle offensive le 14 mai dernier.

Alors que plusieurs groupes de personnes en situation de handicap organisaient des rassemblements à Montréal et Québec sous le thème d’un cortège funèbre commémorant « la mort de l'autonomie », Mme Castonguay avait tâché au cours des dernières semaines de mobiliser les Lanaudois inquiets quant aux coupures récentes dans le soutien à domicile, à l’avenir incertain du chèque emploi-service ainsi qu’à la volonté du gouvernement de rendre payants certains services de soutien à domicile.

Car Mélanie sait qu’elle n’est pas la seule à vivre la peur au ventre. Ayant choisi de médiatiser son histoire en racontant régulièrement des bribes de sa vie avec sa fille Léonie sur la page Facebook « Pour Léonie et Mélanie. Une histoire de différence », celle-ci raconte que les gens vivant des situations similaires à la sienne se tournent souvent vers elle pour déverser leur colère.

Moins d’heures de service ?

Ainsi, Mélanie Castonguay avait bon espoir de rallier plusieurs familles lors de ce rassemblement qui leur offrirait l’opportunité de témoigner d’une voix forte face au gouvernement. À son grand désarroi, néanmoins, seule une poignée de personnes s’est réellement rendue devant les bureaux de François Legault, à L’Assomption cet après-midi-là. « C’est hyper difficile pour nous, comme familles d’enfant handicapé, de sortir manifester, est-elle toutefois consciente. Donc, notre voix n’est pas très entendue. »

Tout comme c’est le cas de Mélanie et Léonie, l’un des principaux enjeux des familles d’enfant handicapé découle du nouveau mode de fonctionnement dicté par Santé Québec pour l’évaluation des besoins en ce qui concerne l’attribution du chèque emploi-service. Il s’agit de la prestation permettant aux familles d’embaucher une aide à domicile. 

« Avant c’était une travailleuse sociale qui venait à la maison et qui nous posait des questions pour évaluer l’état de l’enfant. Maintenant, il y a une ergothérapeute qui doit venir à la maison avec une auxiliaire désignée et ils calculent le temps que ça prend pour les soins pour déterminer le nombre d’heures auxquelles on a droit », explique-t-elle.

Si Mélanie est toujours en attente de sa réévaluation, elle sait pertinemment que cette visite mettra inévitablement la hache dans ses prestations; un constat plus qu’inquiétant pour la mère qui peine déjà à garder la tête hors de l’eau financièrement. « Comme mère monoparentale, déjà, je ne peux pas travailler parce que je travaille déjà un chiffre de soir et de nuit avec mon enfant. Aujourd’hui, on me dit qu’en plus on va me couper mes heures d’aide », déplore-t-elle.

Soutien à domicile

©Photo Médialo - Marie-Christine Gaudreau

Mélanie Castonguay se bat depuis la naissance de sa fille pour lui offrir une qualité de vie à la maison.

Des coupes lourdes de conséquences

Bien que les compressions exigées par le gouvernement dans le réseau se devaient d’être essentiellement administratives, la réalité du terrain serait toute autre. « Il y a déjà trois personnes que je connais personnellement et d’autres dont j’ai entendu parler qui se sont fait dire : écoutez, si vous pouviez déjà être nu quand votre préposé va arriver, on sauverait deux minutes », rapporte aussi en ce sens Steven Laperrière, directeur général du Regroupement des activistes pour l'inclusion au Québec (RAPLIQ).

« Il y a des personnes handicapées qui sont sur le bord de perdre leurs services ou qui ont perdu des heures de services et pour eux autres c’est la fin », assure celui dont le mandat est de défendre les personnes handicapées victimes de discrimination.

Aussi grave que cela soit-il, M. Laperrière raconte avoir été témoin de cas où des personnes handicapées suffisamment malades pour le justifier ont fait la demande pour recevoir l’aide médicale à mourir, faute de soutien adéquat pour mener une vie décente.

Pour de nombreuses personnes ayant un réseau restreint ou même absent, l’aide à la vie quotidienne est primordiale, prévient-il : « On est en train de créer un état d’anxiété assez sérieux au sein de la communauté des personnes handicapées. »

Au bord du gouffre

Mélanie Castonguay abonde dans ce sens. Mois après mois, elle peine à se payer une épicerie convenable, à conserver le toit qu’elle a mis de sérieux efforts à adapter pour sa fille et à se procurer du matériel nécessaire pour assurer le confort et le bien-être de Léonie, comme un véhicule adapté qui soit en bon état.

« Ils veulent couper dans le très peu qu’on a, ce qui va faire en sorte que les parents n’auront pas le choix de retourner travailler et les enfants vont être placés. […] Il n’est pas question que je place ma fille ! Il n’en est pas question », lance-t-elle avec l’énergie du désespoir.

Au-delà du soutien financier qu’elle souhaiterait voir protéger, voire bonifier, pour assurer sa survie et une aide adéquate pour prendre soin de sa fille qui grandit, mais dont les besoins sont toujours aussi présents, Mélanie Castonguay espère au fond d’elle être un jour reconnue pour l’effort colossal qu’elle livre jour après jour.

« Les parents qui prennent soin de leur enfant handicapé, y a-t-il une plus belle preuve d’amour que ça ? Peut-on reconnaître ça dès le départ ? Les cas qu’on a, ce sont des cas difficiles, des cas humains et souvent des cas de désespoir », résume enfin Steven Laperrière, assurant du même souffle que le RAPLIQ poursuivra son travail pour défendre les personnes handicapées et leurs alliés.

 

Parallèlement à la manifestation du 14 mai se tenait, à Québec, la Journée de concertation « Vers une politique nationale de soutien à domicile » qui avait pour but de mobiliser les acteurs de l’écosystème en soutien à domicile autour d’une nouvelle Politique nationale de soutien à domicile (SAD). Cette politique doit être présentée l’automne prochain par le gouvernement.

Mélanie Castonguay et Léonie

©Photo gracieuseté - Mélanie Castonguay

Mélanie Castonguay et sa fille Léonie, 13 ans et lourdement handicapée.

Le cas de Sylvie

Tandis que certains craignent des coupures drastiques dans leur soutien à domicile, d’autres, comme Sylvie Aubry, ne bénéficient d’aucune aide, malgré des demandes répétées. « Ça fait plus d’un an que j’ai appelé pour avoir au moins l’évaluation [pour le chèque emploi-service] et on ne m’a jamais rappelé », confie celle qui était parmi les quelques courageux à s’être déplacés pour la manifestation. À côté d’elle, son petit-fils souffrant d’un handicap sérieux commence à s’impatienter. Il voudrait être ailleurs, mais la réalité est telle que Sylvie Aubry, 60 ans, doit amener partout son petit-fils avec elle au quotidien; ce dernier n’étant scolarisé qu’à raison de 2 h par jour.

Bien que ses besoins apparaissent évidents, lorsqu’elle demande des suivis dans son dossier, on lui répète que son cas n’est pas prioritaire; qu’elle doit attendre. Sylvie Aubry a adopté son petit-fils qui a aujourd’hui 13 ans puisque sa fille qui souffre d’une déficience intellectuelle légère n’est pas en mesure d’en avoir la responsabilité. Ils demeurent ensemble tous les trois. « Il est encore aux couches, il ne parle pas beaucoup. Il ne s’habille pas seul, il ne fait rien seul », résume Mme Aubry au sujet de son petit-fils. Malgré tout l’amour qu’elle lui porte, Mme Aubry aimerait bien avoir un peu d’aide. « Le chèque emploi-service me permettrait d’avoir quelques heures à la maison pour aller faire mes commissions ou même avoir un peu de temps pour moi », souffle-t-elle dans un ultime appel à l’aide.

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©Adobe Stock

Santé Québec soutient que le nombre d'usagers du chèque emploi-service est en croissance.

Santé Québec réagit

Questionné par l’Hebdo Rive Nord, l’agence Santé Québec s’est dit consciente du caractère essentiel du chèque emploi-service pour les personnes en situation de handicap et leurs proches. « Santé Québec travaille à limiter le plus possible les impacts sur les services à la population, dont les personnes handicapées et les personnes les plus vulnérables », a indiqué l’agence par courriel.

« En renforçant la coordination entre les acteurs de terrain, nous travaillons concrètement à réduire le fardeau administratif des équipes de soutien à domicile afin de maximiser le temps disponible pour les usagers et placer leurs besoins au cœur de nos actions », poursuit-on.

Enfin, Santé Québec affirme qu’en dépit des listes d’attente pour le chèque emploi-service, le nombre d’usagers continue de croître : « dans la période du 9 au 31 mars 2025, il y a eu une augmentation de 3,7% des usagers - soit 809 personnes - qui ont bénéficié du chèque emploi-service, faisant ainsi passer le total provincial à 22 967 bénéficiaires. »

 

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