Deux âmes unies dans la beauté de leur différence

Atteintes d’albinisme et modèles

©Photo gracieuseté - Isabelle Paradis

L’œuvre Blanche en deux temps est une réalisation de la photographe et directrice artistique Isabelle Paradis, avec la participation de Emmanuelle Néron, styliste; Stephane Scotto Di Cesare assisté par Sess Elusma, coiffeurs; Izabel Provost, maquilleuse; Guilhem Gaubert, assistant photo; Caravelle Studio; ainsi que les agences Scoop (Jessica Langlois) et Ema (Zooey Delvaulx).

On les reconnaît d’entre tous à leur peau claire, leurs cheveux blancs comme neige et leurs yeux d’un bleu éclatant. Jessica Langlois et Zooey Delvaulx vivent toutes deux avec l’albinisme, une maladie héréditaire caractérisée par une dépigmentation de la peau, des cheveux et des yeux. En dépit de leur différence et de leurs défis particuliers, chacune d’elle incarne la résilience, la splendeur dans la diversité et la détermination à atteindre ses buts. Portrait de deux modèles hors du commun.

La rencontre de ces deux femmes survient de façon tout à fait fortuite. La première a 35 ans et vit à Repentigny. La deuxième a quant à elle 13 ans seulement et réside à L’Assomption. Il y a cinq ans, elles se croisent au centre commercial et se reconnaissent toutes deux dans l’autre. L’aînée, Jessica Langlois est modèle pour une agence depuis l’âge de 18 ans. Sans hésiter, elle fait part de son expérience à Zooey qui a alors tout juste 8 ans. La confiance en elle gagnée derrière la lentille de l’appareil photo, ce regard neuf sur sa beauté différente, mais incomparable, se devait d’être partagée. Dans ses yeux d’enfants, Zooey trouve une sorte d’idole en Jessica et commence doucement à suivre sa trace. Les deux femmes restent en contact, échangent sur leur maladie et sur leurs projets professionnels respectifs; jusqu’au jour où une photographe qui lit en elles une grande poésie les rassemble et les porte ensemble sur la plateforme numérique du Vogue Italie.

©Photo Marie-Christine Gaudreau

Le journal est allé à la rencontre de ces deux femmes inspirantes afin d'en apprendre plus sur leur parcours.

Blanche en deux temps

L’œuvre photographique intitulée Blanche en deux temps et imaginée par la photographe Isabelle Paradis raconte l’amour et l’acceptation de soi. Avec une vingtaine d’années d’âge les séparant, Zooey et Jessica incarnent dans ce projet l’évolution d’une même personne dans le temps. « Lorsque j’ai vu Zooey, j’ai tout de suite trouvé qu’elle dégageait une poésie. Je savais que Jessica était aussi mannequin et j’ai voulu mettre en commun leur ressemblance pour exposer leur diversité dans toute sa beauté », explique la photographe. Fière du résultat éblouissant obtenu, cette dernière est particulièrement reconnaissante de la confiance que lui ont accordée les deux modèles qui acceptaient pour la toute première fois de s’associer à une autre personne albinos dans le cadre de leur carrière de mannequin. En tout, le projet compte six clichés qui ont été soumis dans divers concours, notamment à Barcelone.

« Isabelle Paradis a rassemblé une équipe extraordinaire pour ce projet », souligne Jessica Langlois, qui dit avoir grandement apprécié son expérience aux côtés de Zooey. Il en va de même pour cette dernière qui remercie Jessica de lui avoir fait connaître le mannequinat qui, dit-elle, peut vraiment avoir une incidence positive sur l’estime personnelle. « J’ai commencé à faire des photos il y a quelques années, parfois juste de façon personnelle, en m’inspirant des photos de Jessica sur les réseaux sociaux. Une chose en entraînant une autre, la roue s’est enchaînée et depuis un an ça fonctionne vraiment bien », se réjouit la jeune fille qui étudie présentement au Collège de l’Assomption. Depuis qu’elle publie elle aussi son travail sur les réseaux sociaux, Zooey est entrée en contact avec plusieurs autres personnes atteintes d’albinisme. « Je trouve ça merveilleux qu’en plus de m’aider moi-même à gagner de la confiance, je puisse aider les autres à gagner de la confiance en eux à travers le mannequinat, comme Jessica l’a fait avec moi. »

©Photo gracieuseté - Chrystina Pelletier

À la suite de sa rencontre avec Jessica, Zooey s’est découvert une passion pour le mannequinat. Elle s’est jointe à l’agence Ema.

Célébrer la différence

Cette confiance et cette acceptation de soi qu’Isabelle Paradis a voulu peindre sur les portraits qu’elle a faits des deux femmes albinos reflètent à merveille leur parcours. Car, si elles rayonnent aujourd’hui, ce n’est pas sans avoir redoublé d’efforts. « Sur les castings, c’est souvent blanc ou noir. Ils aiment ou ils n’aiment pas », remarque Jessica Langlois au sujet des traits particuliers de l’albinisme. « À New York, l’une des plus grandes capitales de la mode, je me suis déjà fait dire par une très grosse agence que j’étais trop « edgy » (avant-gardiste, provocatif) [pour avoir le contrat] », confie-t-elle. Cette remarque l’avait alors choqué. Elle se réjouit néanmoins de constater que les mentalités ont beaucoup évolué depuis le début de sa carrière; la diversité étant largement exploité et mise de l’avant.

Parallèlement à leur carrière de mannequin, les deux femmes accueillent et célèbrent la différence au quotidien. L’albinisme impliquant la plupart du temps le fait d’avoir une faible acuité visuelle, les défis sont importants pour les personnes qui en sont atteintes. Pour la jeune Zooey, cela passe surtout par sa résilience à l’école. Au fil des ans, elle s’est dotée d’outils pour s’adapter au cadre traditionnel et elle peut aujourd’hui se vanter de réussir à faire comme les autres et surtout à être traitée comme les autres. « Mes parents m’ont toujours dit : on ne va pas repeindre tous les trottoirs du monde en jaune pour toi. C’est toi qui vas devoir t’adapter », répète Zooey. Avec quelques mesures de soutien en lien avec ses problèmes de vision, elle performe de façon remarquable, laissant présager d’un avenir brillant pour elle.

En plus d’être modèle, Jessica Langlois enseigne en adaptation scolaire et est propriétaire d’une petite entreprise.

Quant à elle, Jessica a choisi de faire elle aussi une différence dans la vie des gens différents. C’est pourquoi elle enseigne aujourd’hui en adaptation scolaire auprès d’enfants atteints d’un trouble du spectre de l’autisme ou souffrant d’un trouble neurocomportemental. Également propriétaire d’une petite entreprise, elle est associée à la Maison Véro et Louis ainsi qu’à la Société de l’autisme de Lanaudière afin de faire participer les personnes autistes et de valoriser leurs compétences au travail. « C’est très important pour moi de faire une différence et de donner toutes les chances aux personnes qui vivent avec des difficultés, parce qu’ils ont tous du potentiel », conclut-elle.

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