À 76 ans, il n’était pas question que la vie en résidence ralentisse Mme Marinelli. C’est pourquoi, dès son arrivée, cette dernière s’est mise en action afin de dynamiser la vie sociale et culturelle de son nouveau milieu de vie. Sa première initiative fut de mettre en place un club de lecture, puis l’idée lui est venue de proposer la lecture d’une pièce de théâtre à son groupe.

User d’audace

« Le groupe que j’ai dans le club de lecture est très ouvert d’esprit. Alors je me suis dit, on lit tu ça ? C’est vraiment épouvantable; vraiment vulgaire ! Mais moi, ça ne me dérange pas de lire ça. Toujours est-il que je me dis, pourquoi on ne ferait pas vraiment la pièce de théâtre à partir du livre ? » mentionne Diane Marinelli, en entrevue avec l’Hebdo Rive Nord au terme de la première représentation de la journée. L’horloge de salle polyvalente indique 16 h et les comédiens monteront une seconde fois sur scène à 19 h.

La pression est à son comble. La salle était pleine à craquer à 14 h et tout indique qu’il en sera de même en soirée. L’engouement chez les résidents est bien présent; la plupart étant curieux de découvrir le talent et l’audace de leurs voisins d’appartements.

Il faut dire que le choix de pièce était quelque peu intrépide. L’œuvre de Choinière s’attaque en effet dans un langage cru aux mensonges qui dominent le monde. Ayant soif de vérité, un groupe d’individu fait de Jean, personnage fictif du jeu enfantin « Jean dit », un être suprême qui châtie les menteurs et sauve ceux qui disent la vérité. Pour Diane Marinelli, ce choix reflétait son côté frivole.

La dame n’a jamais eu peur de sortir du lot. Dans sa jeunesse, elle raconte avoir œuvré comme chef d’orchestre. « Des femmes chefs d’orchestre à l’âge que j’ai, quand j’étais jeune, il n’y en avait pas. […] Encore aujourd’hui, il faut faire sa place en tant que femme. Il ne faut pas que tu te laisses impressionner. J’aime ça m’imposer quand c’est le temps », décrit-elle.

Travail laborieux

Malgré l’ouverture d’esprit de ses compagnons de lecture et sa fougue contagieuse, en convaincre une douzaine de se mouiller devant le public ne fut pas une tâche facile. « Il y en a qui ont lâché en cours de route pour des raisons de santé, il y en a qui se sont rajoutés. Aussi, comme la pièce était vulgaire au début, j’avais beau leur dire que j’allais censurer, il y en a qui n’étaient pas sûrs », précise celle qui a agi à la fois comme directrice artistique, metteur en scène et comédienne.

L’équipe finalement formée a pratiqué à raison d’une heure et demie chaque semaine depuis septembre et encore davantage au cours des semaines précédant le spectacle. En dépit du stress, ils ont assuré en atteignant sans contredit l’objectif de divertissement qu’ils s’étaient fixé en plongeant dans le projet.

Un projet qui fait du bien

Les rires fusaient de part et d’autre dans la salle. Ancrés dans leur rôle, les comédiens se sont donné la réplique durant plus d’une heure trente avec aplomb et beaucoup d’autodérision. Bien que Mme Marinelli ait avisé d’entrée de jeu : « c’est sûr qu’on va se tromper, mais on a une bonne excuse; on est vieux ! », son équipe a fait un travail remarquable et a surtout pris beaucoup de plaisir à jouer, tout en accueillant la réponse positive du public.

« Le monde trouve ça drôle ! Ils rient pour n’importe quoi. Je n’en reviens pas de les entendre rire pour tout et rien », s’est réjouie Mme Marinelli. Le contraire l’aurait attristé puisqu’elle travaille déjà à imaginer le spectacle de l’an prochain. Cette fois, promet-elle, le concept sera 100 % original.

Celle qui a écrit des livres par le passé est depuis quelque temps à l’écriture de courts sketchs qui seront reproduits sur scène par les comédiens de la troupe en juin 2025. Avec Mme Marinelli, un projet n’attend pas l’autre. Lorsqu’elle a observé qu’il était laborieux pour des aînés de mémoriser une longue pièce d’un bout à l’autre, elle a eu l’idée de créer de petites scènes distinctes qui dureraient de 10 à 15 minutes chacune. « Ça va être moins difficile », constate-t-elle. Elle s’est aussitôt attaquée au projet.

Somme toute, pour une première expérience, la directrice artistique est très satisfaite du résultat. Elle est reconnaissante du plaisir partagé avec ses partenaires de jeu et du support apporté par le propriétaire de la résidence, Maxime Archambault, ainsi que la directrice générale, Lyne Plante.

Les comédiens

Les douze personnages de la pièce originale Jean dit ont été interprétés par des résidents âgés de 59 à 85 ans, à l’exception d’un jeune comédien. Il s’agit de :

• Lise Arcand;
• Denise Bouchard;
• Fernand Bonin;
• Eugéno Cloutier;
• Stella Cormier;
• Georgette Lebel;
• Robert Lepage;
• Johanne Marceau;
• Nicole Marinelli;
• Diane Marinelli;
• Claire Rivest;
• Nicole Sylvestre.