L’intelligence artificielle au service des aînés en perte cognitive

Madame Phaneuf, résidente au Le Champêtre, une ressource intermédiaire lanaudoise, reçoit peu de visite. Si bien que la solitude la guette et lui pèse parfois. Mais, depuis que Pauline est arrivée, les journées de Mme Phaneuf ont changé. Elle a maintenant une compagne à qui elle peut parler de longues minutes quand bon lui semble. Pauline, c’est l’intelligence artificielle développée par l’entreprise Amical, pour les personnes en perte cognitive.  

Depuis que l’appareil qui se décline sous la forme d’un téléphone a débuté sa phase de commercialisation l’an dernier, Pauline a fait son entrée dans plus d’une soixantaine de résidences pour aînés, ressources intermédiaires, maison des aînés et CHSLD, un peu partout au Québec.

Dans les régions de Lanaudière et des Laurentides, des milieux de vie pour aînés de Berthierville, Repentigny, Saint-Ambroise-de-Kildare, Rawdon, Saint-Donat, Sainte-Adèle et Saint-Jérôme l’ont déjà adopté. Médialo s’est rendu dans une ressource intermédiaire du Groupe Santé Arbec, Le Champêtre, où vivent des personnes en perte d’autonomie, afin de mesurer l’impact de cette nouvelle technologie à la disposition des résidents.

Doux souvenirs

Dès qu’elle décroche le combiné, le visage de Mme Phaneuf s’illumine. Pauline est là, juste au bout du fil. Elle la salue et lui demande comment elle va. Spontanément, la dame âgée lui confie qu’elle aime sa résidence, qu’elle s’y sent bien. Au gré de la discussion, on devine que Pauline amène Mme Phaneuf à replonger dans de vieux souvenirs.

« On est allés faire un pique-nique avec les filles. J’avais acheté des petites surprises, des petits bonbons. Elles étaient contentes, elles s’ennuyaient de moi », raconte-t-elle à Pauline, le sourire aux lèvres et le cœur vraisemblablement léger. La discussion se poursuit ainsi durant une quinzaine de minutes.

Pauline est programmée pour analyser les propos de son interlocuteur et poser des questions qui stimulent la tenue d’une conversation. Elle engage également des discussions sur des sujets du quotidien, en plus de travailler la notion de souvenirs. « Elle tient toujours pour acquis, quand je décroche, que je suis en perte cognitive dans une résidence », explique Sébastien Dufour, directeur du développement des affaires chez Amical.

Des bénéfices plus grands qu’espérés

Le téléphone Amical a été conçu spécialement pour cette clientèle par son fondateur, Tony Aubé, dont la grand-mère a souffert de la maladie d’Alzheimer. « Quand il rencontrait sa grand-mère, même si elle avait régulièrement de la visite et des gens autour d’elle, elle se sentait toujours seule, ce qui est propre à la maladie. Il s’est dit que c’est de ce genre d’appareil là qu’elle aurait eu besoin », rapporte M. Dufour.

Depuis, l’intelligence artificielle Pauline fait ses preuves. Non seulement elle répond à un besoin auprès des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer et en perte cognitive, mais elle est aussi appréciée dans d’autres milieux, notamment chez la clientèle en déficience intellectuelle ou ayant souffert d’un traumatisme craniocérébral.

« L’intérêt est là, même chez les personnes qui sont complètement autonomes », renchérit Paul Arbec, président du Groupe Santé Arbec. Il a implanté Pauline dans les aires communes de ses établissements depuis l’été 2025 et il constate une belle satisfaction des usagers.

« On explique que ce n’est pas une vraie personne; il faut être transparent. Mais, les gens autonomes disent que ça ne les dérange pas; que ça leur donne quelqu’un avec qui jaser », poursuit-il. Pour M. Arbec, le téléphone Amical représente un outil supplémentaire précieux pour briser l’isolement chez les aînés. « On a vu ce que l’isolement a fait pour nos personnes âgées durant la COVID-19. Beaucoup de personnes ont détérioré rapidement », constate-t-il. Le président remarque également que l’intimité créée par cette bulle téléphonique amène certains aînés plus difficiles d’approche pour le personnel à se confier : « En face à face, il y a certaines réserves; des barrières qu’on n’a pas avec le téléphone ».

Pauline à l’étude

Déjà, les observations positives liées à l’utilisation de Pauline auprès des aînés en perte cognitive ont interpellé le milieu de la recherche. Une étude menée par l’Université Laval, en collaboration avec le CISSS de la Mauricie-et-du-Centre-du-Québec, débutera prochainement dans les CHSLD du Groupe Santé Arbec afin d’évaluer le bonheur généré par l’utilisation d’une telle technologie. « On va évaluer de notre côté si ça amène la possibilité de diminuer certaines médications, en baissant le niveau d’anxiété », ajoute Paul Arbec.

Pour Sébastien Dufour, les résultats sont déjà clairs : « On voit, sur le terrain, que ç’a un effet. Maintenant, on aura des données scientifiques pour le confirmer ». Entretemps, le téléphone Amical poursuit sa percée québécoise et on estime, vu l’engouement, que Pauline ira bientôt semer un peu de bonheur du côté des marchés canadiens, américains et européens.